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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/86

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

pêchèrent plusieurs heures. Il avait mis ses bottes de pêche, et il était descendu sur les vases. Il marchait à grandes enjambées, levant haut les pieds, sondant le terrain de sa fouine, l’air d’un étrange pèlerin, de stature formidable sous le ciel bas. Son allure lui rappela les raquetteurs du pays blanc. Elle eut une vision d’ombres bleues sur la neige, entre les silhouettes des arbres.

Quand il revint, la mer montait dans les chenaux, et on ne pouvait plus pêcher.

Elle déballa les provisions. Trop lasse pour manger, elle regardait Grand-Louis découper son pain en grosses bouchées avec son couteau de pêcheur. Il ouvrit avec un émerveillement d’enfant la bouteille thermos et on vit le café fumer dans le désert des eaux. D’un œil un peu anxieux, elle suivait ses gestes. Il remplit la timbale, la lui tendit, étudia son visage pendant qu’elle buvait, sans manifester d’impatience. Puis il but après elle.

Quand ils eurent fini, la marée était assez haute pour se mettre en route. L’après-midi était dans sa plénitude, le soleil versait sa chaleur à pleine coupe, mais la brise jouait de l’éventail au ras de la mer. On était bien. Par-dessus la barque basse, Ève lais­sait tremper ses mains dans les vagues