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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/89

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

nues dans les villes et qui créent autour des morts une atmosphère de paix ancienne. Pendant la mauvaise saison, les plantes marines semblent éclore d’elles-mêmes dans la verte et spongieuse humidité.

Même ceux qui n’y ont personne s’en voudraient de manquer leur promenade du dimanche. On connaît chaque tombe et les enfants épellent les noms en grosses lettres foncées sur les croix blanches. Les croix noires des gens d’âge mûr les effraient davantage, et ils s’étonnent invariablement qu’on ait pu vivre si vieux.

Le lierre centenaire des murs, le grince­ment de la porte sur les gonds rouillés, le bénitier de pierre à l’eau verdie, le parfum de giroflées, de scabieuses et de pieds d’alouette sont familiers à chacun. Le cimetière prolonge la maison : on y trouve comme une odeur de papiers de famille.

À force d’entendre dire, chaque soir : « Un tel est mort », on finit par appréhender son tour, ou par se féliciter d’être encore vivant. On dort en paix pour une autre nuit. La grille des ténèbres se referme. Une liste nouvelle paraîtra demain.

Au haut des landes ensoleillées qui en­tourent le cimetière, des vieux, oisifs, aident leurs femmes à plier les draps. Chacun tend