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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/90

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

la toile, arcboute le corps. Chacun tire de son côté le plus qu’il peut. Songent-ils à l’usage final de ce drap ?

Les morts nourrissent leur monde. Ils ont leur sonneur de cloches, leur menuisier, leur fossoyeur, leur tailleur de pierres tombales, dont les industries sont sûres, sinon prospères.

On appelle rarement le médecin au chevet du malade. Sitôt son dernier souffle, ces divers entrepreneurs se précipitent, pour les mesures.

De son vivant on ne se dérangeait guère pour le visiter. Une fois la toilette d’appa­rat terminée, tout le village va secouer sur sa forme rigide enveloppée de noirs vête­ments le goupillon d’eau bénite. Et les femmes soulèvent leurs petits à bout de bras pour qu’ils baisent, à la lueur errante d’un maigre cierge, le visage du mort. Et ces deux odeurs que l’enfance ne discerne pas bien l’une de l’autre, odeur de la cire, odeur de la mort, se mêlent pour la vie dans leur souvenir. C’est peut-être pourquoi il y a tant de lenteur et de rêve, tant de crainte aussi, dans le geste avec lequel on allume la bougie, le soir, dans les campagnes.

Ah ! les petits métiers de la mort. Voici l’ensevelisseuse, qui sait d’avance si un