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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/92

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Elle ne pouvait échapper tout à fait à l’ambiance superstitieuse, à l’atmosphère de légende. Et voici l’idée qui avait d’abord effleuré son imagination pour devenir malgré elle, à certaines heures, une croyance : l’homme de rêve était lui-même une réincarnation. C’était l’âme du Nord revenue sur la terre pour expier. Celui qui là-bas, dans les pays blancs, se faisait un bel orgueil de sa culture, qui en parlait comme d’un champ que l’on engraisse et dont on tire profit, revivait dans le simple d’esprit. Le potentat d’autrefois, inconquérable, invincible, n’avait plus, dans son existence nouvelle, ni volonté, ni désir, ni jugement. Il n’était plus qu’un brin de paille dans une moisson.

Elle s’en voulait de cette conception contre laquelle protestaient la mystérieuse personnalité de l’Innocent, sa dignité naturelle, sa vie intérieure suspendue mais existante.

En même temps, il lui était ainsi possible de réconcilier son cœur avec l’amour de jadis qui, elle le sentait bien, n’était pas mort.

Elle finit par trouver une certaine ressemblance physique entre les deux fantômes : celui du présent et celui du passé.

Celui du passé… Elle se rappelait comment ils s’étaient séparés. Il n’y avait pas