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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/98

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Mais il fallait d’abord achever la tâche entreprise dans un besoin de tirer au clair tant de choses confuses, tâche qu’elle sentait inutile, mais devant laquelle elle s’installait avec une ponctualité de bon ouvrier, sans ennui comme sans enthousiasme. Jusqu’à présent, cela avait suffi à enlever à son existence toute apparence de désœuvrement.

Grand-Louis prêtait l’oreille. Sa voix suivait la sienne dans une sorte de mélopée cadencée, sans paroles, dans laquelle elle retrouvait le rythme de ce qu’elle venait de lire. D’autres fois, il cherchait à l’ac­compagner, en sourdine, au piano.

Sa justesse d’oreille était frappante. Ève l’entendait siffler sur la lande, reproduisant le chant des alouettes de mer, les cris des pluviers ou des goélands. Les soirs de grande représentation dans la chaumière, elle réclamait tout le répertoire et si elle ne savait dire tout de suite si le vent qu’il imitait sifflait dans les genêts, dans une voile ou dans les sapins, sous la porte ou au fond de la cheminée, il la regardait d’un air grondeur.

Un jour qu’il avait rencontré le facteur en route, il était venu vers elle tenant une lettre à la main. Il fronçait les sourcils dans un effort de comprendre, et ses yeux paraissaient plus sombres sous l’auvent remar-