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Page:Le Franc - Le destin - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 25 août 1906.djvu/18

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des larmes et qu’elle fixait sur lui, avec l’espoir qu’il mettrait fin à sa détresse, le poursuivaient comme un remords, et il prononçait des paroles injustes et dures pour lui montrer qu’il ne valait pas la peine qu’on souffrît pour lui.

— Maurice, trouvez quelque chose, le train va partir, ce n’est pas possible que nous nous quittions ainsi…

Il chercha…

— Si j’avais réfléchi à cela ce matin, peut-être aurais-je pu vous accompagner jusqu’à New-York.

— Oh ! c’est cela, vous allez venir. Après, je serai raisonnable, je m’embarquerai sans pleurer, vous verrez.

— Mes secrétaires ne sont pas prévenus. Et puis, quel beau scandale si mes ennemis apprennent cette fugue.

— Oh ! une fugue ! Pouvez-vous parler ainsi.

— Bref, Andrée, il faut partir, vous voyez, tout le monde est monté. Allons, embrassez-moi, et au revoir !

Il la baisa au front et elle ne songea pas à lui rendre son baiser. D’une main ferme, il lui fit gravir le marche-pied du train. Elle se retourna avant d’entrer et le regarda. Il se tenait immobile à la même place. On ne pouvait lire dans les lignes rigides de son visage, dans les yeux largement ouverts devant lui, si une émotion, un regret, passaient sur son âme.

Andrée ne songeait plus à implorer ou à se révolter. Une volonté plus forte domptait la sienne. Elle sentait que la résistance était inutile. La face