Aller au contenu

Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
visages de montréal

retard ! Et si vous lui en faites reproche, ce sage vous regarde gentiment d’un air étonné. Par compensation, il arrive avant l’heure, longtemps avant l’heure. Il y a une double surprise, la vôtre et la sienne. Vous restez là, tenant le bouton de la porte pendant qu’il se lave le visage de l’ombre de l’escalier. Il est plus tôt, ou plus tard, qu’on ne pensait. Il n’y a plus d’heure, rien que la minute de l’amitié. Il dit votre nom, ou n’importe quoi, ou il sourit, ou il ne dit rien, et on est content. Sa grande taille le sert : on ne peut prêter courte mesure à des hommes qui dépassent six pieds. Il courbe légèrement la tête, il enroule le cou et les épaules autour de ses rêveries. Il ressemble à un Lindbergh qui débarque du ciel. Le jour où il se sera réalisé, il conservera le même air ingénu. Avec cela, l’expression de quelqu’un qui se fourvoie sans cesse, dont la place, une place aérée, est ailleurs. Il demeure le plus secret des trois. Il couve sa personnalité ainsi qu’une maladie. On a en sa présence le sentiment que malgré l’emballage on pourrait bousculer et fêler quelque chose. Son inertie de surface impatiente parfois Marie-Louise. Pourtant, c’est celui qu’elle préfère.

L’amie a sorti de sa bibliothèque — rayon du dictionnaire anglais, de la boîte à ouvrage, des tasses à thé — une bouteille qui vient de Bordeaux, France, via le magasin « Quebec Liquor Commis-