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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/225

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visages de montréal

leur kaki, tirant par la bride un broncho des prairies efflanqué à la crinière sauvage.

— Hello ! fit-elle, entrant sans plus de cérémonie et se laissant tomber à terre en face de moi. Dans l’ombre de la tente, ses yeux bleus avaient un éclat de bijoux primitifs parant son visage. Elle avait rencontré les girls en chapeau de cow-boy, foulard rouge au cou, parties en excursion dans la montagne et deviné que j’en avais assez ce jour-là de leur troupe agressivement sportive au milieu de laquelle j’étais à mon désavantage et que je me trouvais au camp de l’Y. W. « comme un poisson hors de l’eau. » Et j’use ici d’une malencontreuse image, car seule de la bande je ne savais pas nager.

Elle fouilla dans les quelques livres français que j’avais inutilement apportés, en pareils lieux, s’allongea à plat ventre sur la toile qui servait de tapis, feuilleta une anthologie de poètes et se mit à lire Eloa à haute voix. Elle lisait avec conviction, en profondeur, semblant avoir oublié ma présence, et, au dehors, son broncho qui s’était éloigné et broutait à l’ombre des cuisines l’herbe brûlée de la plaine.

Presque chaque jour je la vis paraître, apportant avec elle Elizabeth Browning et à mon intention Vanity Fair qu’elle se mit en tête de