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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/227

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visages de montréal

tracé une heure plus tôt en foulant l’herbe était le sillage de la solitude. Elle la respirait sans le savoir. Moi-même j’étais à ses côtés un bloc transparent de solitude. Elle allait de l’avant soulevée par l’air qui était un ruissellement de solitude. Rien n’avait plus de réalité.

Le bois de pins des montagnes qu’il fallait traverser en descendant à la berge était devenu couleur d’encens, et tournant le dos au monde conviait Annabel à prendre part à sa fuite.


En somme, le Royal Victoria bâti de granit au pied du Mont-Royal, avec ses tours perdues dans le soleil ou dans les nuages, était propre à nous rappeler les Rocheuses. Il pesait sur elle de sa masse, il la cernait de son ombre, il faisait planer sur Annabel une menace que personne ne pouvait définir.

Je la trouvais passant lentement la main sur sa nuque, les paupières abaissées.

— C’est la troisième vertèbre qui est… comment dites-vous ?… ramollie, me déclara-t-elle un jour, alors que son air absorbé me faisait croire qu’elle allait confesser ce qui lui rongeait l’âme.

Je m’aperçus qu’elle avait totalement perdu la volonté et il me sembla par cette découverte faire un progrès dans la connaissance de son mal. Je