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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/233

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visages de montréal

pour faire place à une indéfinissable douceur rêveuse.

Comme on commençait à lever la passerelle, on la fit passer par celle qui s’enfonçait à l’arrière dans les œuvres basses du navire et je la vis disparaître parmi des émigrants aux faces brunes.

Quelques minutes s’écoulèrent. Il fallut la chercher des yeux à tous les étages, au milieu de tant de faces penchées sur les rambardes. Enfin, je la découvris sur le pont-promenade, son visage se détachant en clair sous le feutre de voyage, révélant par sa pâleur des semaines de réclusion, mais débarrassé de son voile, plus proche et saisissable qu’il ne l’avait été.

Annabel examinant des yeux les gens sur le quai, du haut du majestueux Duchess of York, me rappela tout d’un coup la fillette qui surveillait sans émoi les approches de la nuit sur les berges inondées de la Columbia.

J’avais constaté avec un serrement de cœur qu’elle portait la même robe, comme si les robes lui fussent devenues indifférentes, ou qu’elle n’eût pas eu le temps d’en changer. Elle avait par-dessus un manteau de voyage dont la cape dissimulait l’affaissement des épaules, et par les accessoires de sa toilette continuait à appartenir à sa classe. Rien ne révélait à des yeux non avertis la malade.

Telle quelle, je ne l’avais jamais trouvée plus