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marie le franc

par la caresse de l’eau, et portées par les agrès des arbres. Nulle trace de vie humaine. Sur une pointe, une construction de bois s’avançait, basse et dorée, ambulatoire, toute en fenêtres : une chapelle protestante, nous dit notre hôte. Elle s’ouvrait deux mois de l’année. Bien que ce fût le milieu de juin, elle était encore désœuvrée et s’exerçait au prêche dans sa chasuble de peinture jaune, au milieu de l’encens vert des feuillages naissants.

Les bouleaux étaient le seul peuple que le lac eût admis sur ses rives.

Leur tronc lisse, charnu et doré, faisait penser à un corps de jeune homme. Malgré leur grâce, leur attitude légèrement penchée, ils étaient suggestifs de virilité, groupés par petits nombres, à la façon des jeunes gens dans les cours des collèges et sur les places des villages. Ils chuchotaient entre eux, mêlaient leurs chevelures pendantes, riaient sur leurs secrets. Une sève adolescente gonflait leur torse, et il y avait déjà à la jointure des branches supérieures un gonflement de biceps. La plupart se divisaient au sortir du sol en deux ou trois troncs égaux, incapables de se réaliser, bouquets de forces perdues. On sentait une jalousie de mâles dans leur manière de cerner Blue Sea. Ils avaient découvert cette étonnante biche aux yeux bleus qui les regardait d’une façon admira-