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visages de montréal

bras allait s’abattre, faucher l’air autour de lui. De fait, n’avait-il pas commencé sa besogne ? Et n’était-ce pas là l’explication des tristes maisons plates aux murs rasés au-dessus des fenêtres du dernier étage ? Les hommes à court d’imagination faisaient des toits à la façon de paliers sur lesquels ils semblaient attendre, frileux et fourvoyés, écoutant aux portes de l’espace, dans un corridor interminable aux étoiles fumeuses.

Le prince et sa cousine traversèrent ce terrain pour arriver chez eux. La maison ressemblait à tant d’autres, posées, comme des caisses d’emballage, des deux côtés de la rue. Ils ne reconnurent leur logis que grâce à son numéro. Il y avait dans le vestibule une rangée de boîtes aux lettres. Sur l’une d’elles, un carton indiquait : « Prince Stépanovski ». Ils montèrent jusqu’au troisième étage. On entendait du corridor l’eau couler dans une salle de bain et quelqu’un s’ébrouer en sifflant et en chantant à tue-tête My old Kentucky Home. La cousine sortit une clef de son sac. À l’intérieur, ce fut le triste sitting-room des garnis. Papier bleu sur les murs où se noyait la lumière, linoléum à dessins de tapis sur le plancher, fauteuil à bascule, sofa déjeté, portière verte masquant une ouverture.

Le cousine disparut derrière cette portière. Le prince déposa sa pelisse sur le sofa, sa canne et