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marie le franc

premier abord en étant d’un âge différent de celui qu’indiquait sa voix au téléphone. Son âge demeurait incertain. Il n’était pas ce qui importait. Elle haletait en entrant. Elle avait pressé le pas dans le froid ainsi qu’on monte un escalier. Il imprégnait encore ses vêtements. On se hâtait de la débarrasser de son manteau qu’on tenait du bout des doigts comme s’il eût été mouillé. Sa voilette aussi était mouillée. La plume de son chapeau de velours pendait, un peu défaite. On était ravi qu’elle eût ce chapeau de velours, cette voilette qu’elle relevait en turban au-dessus de ses beaux yeux bruns. Sa jupe trop longue pour la mode ajoutait à sa silhouette. Les autres femmes n’eussent osé porter une telle jupe. Son manteau godait sur la doublure ouatée, comme si un mauvais plaisant eût fourré sous ce satin de Californie des poignées de neige.

Elle se mettait vite à parler de son cousin le prince, qu’elle accompagnait dans ses voyages comme secrétaire. L’inventeur de la nouvelle tourbe était aussi un de leurs parents. Le prince était chargé d’une mission puissante, délicate, qui exigerait de leur part une longue attente. Elle voulait trouver quelque besogne qui occupât ses loisirs. En la voyant jouer d’un air nonchalant avec ses gants, on ne se fût pas douté qu’elle dînait