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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/53

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visages de montréal

pelait Eugénie. C’était la fille d’un ancien ministre des finances sur lequel des histoires louches circulèrent pendant la guerre et qui fut forcé de démissionner. Ce mariage avait été l’œuvre des Jésuites, à son retour de Russie. D’un côté grand nom, de l’autre grosse fortune. Malheureusement, Eugénie était atteinte de folie intermittente. Les Jésuites le savaient : jeune fille, on avait dû l’enfermer à plusieurs reprises. D’une éducation parfaite, femme du monde accomplie, personne ne se fût douté de son état. C’est elle qui accusait son mari de folie. Ils habitaient à Paris l’ancien hôtel de Chaballe. Dans les moments de crise, elle voulait le tuer. Il avait dû fuir en Amérique.

Pauvre prince ! On comprenait à présent quels fantômes il poursuivait de son regard rigide.


Mlle Fourcade de Chantenay devenait soucieuse. Les deux petits Svenningson venaient de partir pour Pâques à Atlantic City. Elle n’avait plus comme élève qu’un nègre, étudiant en théologie à l’université anglaise, auquel elle donnait des leçons en se cachant. Quand le nègre arrivait, le prince, avec un regard meurtrier, abandonnait son fauteuil à bascule et passait derrière le rideau.

Il devenait de plus en plus irritable. La pauvre Fourcade se multipliait, lui servait son petit déjeuner au lit, cirait ses souliers, reprisait ses