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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/82

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marie le franc

fant, une roue en l’air, au bord du trottoir. C’est alors que la catastrophe se produit. Un passant se détache de la foule et vient prendre le cheval par la bride, malgré l’invitation sonore de Jeannine : « Keep quiet ! » Elle dit keep quiet pour être polie. Elle le traiterait plus volontiers de gourde. Il a interrompu une belle performance. Elle ne peut savoir si elle aurait eu le dessus. Un coup de cravache et la voilà qui galope, malgré ses principes, sur l’asphalte.

Elle se dirige vers Hill-Park, situé sur le cratère d’un ancien volcan. Là elle est chez elle. Ou plutôt, on est chez soi, entre hommes, car il n’y a guère que des cavaliers qui fréquentent The Hill. Elle les connaît tous. Elle les estime en raison directe de leurs qualités de horsemen. Elle sait les défauts de chacun : l’un a la main comme ceci, l’autre l’assiette comme cela. Et les genoux ! Il n’en est pas qu’elle ignore. Un beau cheval compte encore plus qu’un bon cavalier. Quand les deux sont matchés, comme elle dit dans son langage bilingue, c’est du ravissement.

Il est question surtout de chevaux entre gens du Hill. Il est question de femmes aussi, de poker, de Bourse, d’affaires. Jeannine, qui méprise les potins de five-o’clock, prend plaisir à ceux qui s’échangent à la même heure au sommet du parc. Tout cela s’épure au crible des feuilles. Un bon