sabot sourd, mais sitôt dehors ! Le propriétaire, un ancien jockey, sort jusqu’au milieu de la rue et les suit du regard. Il n’est pas inquiet. Il laisse échapper une exclamation admirative : « Gee ! » Il se poste sur la chaussée, jambes écartées dans les culottes bouffantes, pipe à la bouche.
Il faut traverser la voie des tramways. C’est là que commence la lutte entre le cheval et la blonde amazone. Elle n’a plus le ton éclatant du « Keep quiet ». Elle porte un peu la tête de côté, doucement, comme si elle réfléchissait. Elle l’encourage à voix contenue. Elle a l’air de comprendre son obstination à ne pas vouloir traverser les rails. Avant d’arriver au point qui fait l’objet de la controverse, elle lui flatte le cou de la main. Le cheval donne de la tête, de la crinière, du sabot, de la croupe, de la queue. Il avance en diagonale. Son arrière-train manifeste une volonté têtue de ne pas suivre la direction dans laquelle on lui maintient la tête. Jeannine ne craint rien : elle est en selle de femme aujourd’hui, car elle a appris la veille qu’un cheval de l’écurie venait de flanquer par terre son cavalier et prévu qu’elle aurait l’honneur de le monter pendant quelque temps. Deux trams sont arrêtés en sens inverse. Ils ne s’arrêtent que pour l’équipage de Jeannine et les pompes à incendie. Les conducteurs, la main à la barre, regardent. Il y a des dames avec des voitures d’en-