Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/15

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renforcement de la voix sur une des syllabes du mot[1]. Cette syllabe est appelée tonique, les autres sont dites atones. On conçoit aisément qu’il soit possible de former le vers par la combinaison régulière et harmonieuse de syllabes toniques et de syllabes atones ; mais comment se combinaient-elles ici ? La question est assez embarrassante, car il ne nous reste qu’un petit nombre de textes latins populaires primitifs qui puissent nous fournir des types authentiques de ce genre de versification. Pourtant, à l’aide de ces documents, et par comparaison avec d’autres langues de même famille que le latin, on a pu distinguer deux systèmes de versification populaire ayant l’accent tonique pour base : le vers présente, ou bien un nombre fixe d’accents, mais un nombre indéterminé de syllabes, ou bien un nombre fixe de syllabes dont quelques-unes sont accentuées[2].

Dans le premier cas, le vers est divisé en un certain nombre d’éléments ou pieds, dont chacun présente un accent appelé arsis[3]. C’est le système de versification de la Cantilène de Sainte Eulalie, un des plus anciens monuments de notre poésie primitive (fin du ixe siècle).

  
Buóna pulcélla ǀ — fût ǀ Eulália
Belávret corps ǀ — bellezoúr ǀ ánima.

Ces vers renferment, on le voit, quatre arsis, et le

  1. En français, l’accent tonique est sur la dernière syllabe, si elle est sonore : jetér, douleúr, amér ; sur l’avant-dernière, si la dernière syllabe est muette : hómme, traváillent, aimábles.
  2. V. Gaston Paris, Du rôle de l’accent dans la langue française.
  3. Mot grec signifiant élévation.