Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/23

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double, et il n’y a par conséquent qu’une syllabe. Mais il n’en va pas de même pour les groupes de voyelles. Tantôt les voyelles se détachent dans la prononciation, tantôt elles se prononcent en une seule émission de voix et forment une diphtongue. Dans ce dernier cas, on ne compte qu’une syllabe. Il est parfois assez difficile de reconnaître les diphtongues ; et si, dans les mots paon, eau, geai, le groupe de voyelles représente évidemment un son unique[1],la prononciation ne permet guère de distinguer, comme le fait la versification, un son simple dans viande, et un son double dans confiance. On a cherché une règle : le son est double, a-t-on dit, lorsque le groupe de voyelles représente plusieurs voyelles latines, et simple dans le cas contraire. Mais cette règle, généralement exacte pour la prononciation primitive, souffrirait maintenant bien des exceptions ; les deux mots cités plus haut, venus l’un de vivenda, l’autre de confidentia, en sont un exemple. Le groupe ia est diphtongue dans l’un et disyllabe dans l’autre : dans les deux mots pourtant, il vient de deux voyelles latines. Mieux vaut reconnaître avec Théodore de Banville que « l’autorité des poètes peut seule faire loi en pareille matière.»

  1. Encore faut-il bien distinguer ici la prononciation actuelle (les prononciations antérieures. C’est ainsi, par exemple, que jusqu'au XVIIesiècle, flé-au se prononçait fleau ;

    Ainsi, mon gentil Belleau,
    De l’ignorance le fleau.

    (Est. PASQUIER.)

    La prononciation de certaines diphtongues n’est pas même bien fixée encore. On en a un exemple dans le mot août qui compte quelquefois pour deux syllabes chez les contemporains :

    Or, en juin, la Lusace, en a-oût les Moraves…

    (V. HUGO.)