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LES DERNIERES ANNÉES DE
CHATEAUBRIAND[1]




Chateaubriand avait soixante et un ans sonnés quand éclata la révolution de Juillet. C’était un homme vert encore, quoique de petite taille, le visage plein de feu, le front haut et comme allongé sous d’abondantes boucles blanches, tel enfin que venait de le représenter Giraudet dans le beau portrait qui appartient à Mme la comtesse Marie de Chateaubriand. S’il ne « pactisa » point, comme il dit, avec la Révolution, le trouble qu’elle lui causa, le sentiment qu’il y avait sans doute aidé par ses attaques contre la monarchie déchue et plus que tout, peut-être, l’amertume qu’il éprouvait à se voir si promptement évincé par ses alliés de la veille, dont l’agilité n’avait fait qu’un bond de l’opposition aux affaires, ne furent point sans influer sur la conduite de vie qu’il adopta de ce moment. L’homme politique reprit la plume du journaliste, et, comme il arrive, l’aigreur de son esprit passa dans ses propos et lui fit considérer les choses sous un jour excessif. Il tenait de son père un penchant marqué à la misanthropie. La vieillesse, qui était venue pour lui, l’y poussait encore. Mais il ne la voyait pas ou ne la voulait point voir et supportait mal le vide qu’elle fait autour des hommes, quand

  1. Cet article (est-il besoin de le dire ?) est antérieur au livre, précis et si documenté, que M. Edmond Biré a publié depuis sous le même titre.