Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/135

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l’étranger, que l’exil ne leur est tolérable que s’ils radoucissent par le compagnonnage ou la vie de famille, ils se portent tous vers les mêmes débouchés, s’y pressent, s’y entassent, y font souche de misère, de langueur et de maladie. C’est ainsi (pour ne point sortir de France) que leurs habitudes communautaires les groupent invinciblement sur cinq centres déterminés du territoire : Grenelle, Saint-Denis, Versailles, le Havre et Trélazé.

Mais, en dehors de ces groupes privilégiés, à qui la nature de leur établissement permet, du moins, la reconstitution à l’étranger de la tribu, du clan natal, il y a les isolés de l’émigration, et, de ces isolés, les femmes sont le plus grand nombre. Leur ignorance des conditions de la vie moderne, leur inaptitude pour les métiers industriels les vouent exclusivement à deux sortes de professions : les filles de ferme et les filles de la classe ouvrière se font domestiques ; les filles de la classe bourgeoise, institutrices[1]. La situation de ces isolées est bien différente de celle des Bretons communautaires et l’influence du milieu s’exerce aussi sur elles avec bien plus de violence. Tandis que, dans les centres où ils vivent coude à coude, l’originalité des émigrants bretons demeure presque intacte jusqu’à la deuxième génération, que le costume et le parler même se défendent énergiquement et que, l’habitude aidant et l’exemple, le sentiment religieux garde pour la plupart sa vertu lénifiante,

  1. Depuis quelques années, elles commencent à entrer dans Postes.