Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/147

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qu’on rencontre là-bas, fait plutôt songer, avec les arêtes vives de son sol, sa mer d’un bleu intense, ses figuiers et ses vignes, à quelque canton de la côte provençale. Le clair génie de Lesage aurait eu peine à se préciser sur un autre point de la Bretagne. Il trouva ici un milieu privilégié, exceptionnel, — et, si la critique y avait pensé, c’était pour répondre à ceux qui s’étonnent de trouver une telle disparate intellectuelle entre l’auteur de Gil Blas et les autres écrivains bretons. Mais, aussi, c’est que rien ne ressemble moins à Combourg ou à Tréguier que Sarzeau et le terroir de Rhuys.

Je me rappelle l’excursion que j’y fis sur la fin de septembre, il y a quelques années ; j’arrivais d’un pèlerinage au pays de Brizeux, et, quand je quittai Lorient, en prenant par la côte, pour gagner Rhuys, les soleils défaillants jetaient déjà ces clartés blêmes et cireuses qui donnent au ciel breton comme un air de linceul. À Port-Louis, il y avait, dans l’encoignure des fortifications, de vieilles femmes qui vendaient encore des œillets de mer, des œillets minuscules de fin de saison, presque sans couleur, mais d’un parfum rare et qui leur survit longtemps. À Vannes, la brume commença : les pêcheurs avaient déjà endossé le tricot d’hiver, et les soirs, par-dessus les toits, de longs monômes de bernaches et de pluviers filaient dans le ciel gris.

Je comptais trouver Rhuys toute pénétrée de cette brume, qui tombait ici par couches successives, plus intenses chaque jour ; je la trouvai qui riait dans la pleine lumière d’or, étonnamment sèche et qui ache-