Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/148

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vait de cuire au bon soleil ses grappes épaisses et sucrées. Dans la petite cour de la maison natale de Lesage, deux mimosas gigantesques fleurissaient en plein vent. Ils ombrageaient toute la cour ; ils masquaient la façade et il fallait s’approcher et ramener leurs branches pour déchiffrer, au-dessus de la porte, l’inscription en minuscules lettres noires presque effacées : Ici est né Allain-René Lesage, le 8 mai 1668.

À dire vrai, c’est à peu près tout ce qu’on sait de lui à Sarzeau. Son souvenir n’y est guère resté, même à l’état de légende, et je n’oublierai point de longtemps la profonde stupeur d’un conseiller municipal de la localité, à qui je demandais si la famille de Lesage ne comptait plus de représentants en Bretagne. Le malheureux ignorait jusqu’à l’inscription placée sur la petite maison aux mimosas ; il n’avait lu ni Gil Blas, ni Turcaret ni le Diable boiteux. La seule trace que j’aie trouvée de Lesage est à Port-Navalo, une jolie station balnéaire de la côte ouest, moitié hameau de marins, moitié faubourg à la mode. On y montre, près de la mer, un rocher de forme singulière et creusé comme un fauteuil, avec des appuie-mains et des oreillettes : c’est la « chaise de Lesage ». Encore ne suis-je pas bien sûr qu’il n’y ait là quelque invention de maître d’hôtel plus soucieux de couleur locale que de vérité historique. Il se pourrait aussi qu’une confusion ait fini par naître de ce nom même de Lesage qui était accolé, dans la tradition populaire, au nom d’un saint breton encore très vénéré : c’est ici, en effet, le pays de Gildas le Sage, et la mémoire de ce