Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
UN AUTARCHISTE

condamne chez les autres et déclarer qu’il s’incline et qu’il y a céans un mystère.

Mais cette bonne foi est tout l’homme. Elle éclate dans tout ce qu’il écrit, comme dans ses moindres actes. M. Réveillère ne s’est jamais inquiété de savoir si ce qu’il disait ou ce qu’il faisait gênait ses amis ou lui même, mais était bien conforme à l’état provisoire de son entendement. Il ne met point de nuances dans ce qu’il dit : les nuances sont des atténuations. Il a eu des jugements sur l’Angleterre, sur le catholicisme, sur l’armée, sur la défense des côtes qui n’ont tant choqué que parce qu’ils étaient nus et sans détours. Il a écrit trente livres au moins et il n’y en a point un, sauf ses œuvres d’imagination, qui soit tout d’une pièce. Il a dans tous adopté une forme mixte, flottante, élastique, la succession des pensées au hasard de ces pensées, sans ordre, sans transition, facilement détachables et ne tenant entre elles par aucun fil conducteur. C’était la seule forme qui lui permît d’être pleinement sincère, de n’obéir à aucun parti pris, à aucune idée maîtresse, de ne rien atténuer et de se contredire au besoin.

Ne cherchons point en lui une préoccupation autre que celle de cette sincérité et quand ce ne serait que la sincérité du moment. Je définirais volontiers M. Réveillère l’impressionniste de la morale, comme Michelet fut, en quelque manière, l’impressionniste de l’histoire. Et, de fait, en lisant le contre-amiral Réveillère, j’ai souvent songé à l’auteur de la Mer et de l’Oiseau.