Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/200

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Cette sorte de beauté massive — plus flamande, à vrai dire, que bretonne — leur est aussi étrangère que la beauté spiritualiste, émaciée, presque claustrale des vierges du Haut-Léon. Vive et de sang mêlé, il n’arrive guère que la race, chez ces artisanes lannionnaises, s’épanouisse dans un ensemble complètement à souhait pour les yeux. La perfection absolue a je ne sais quoi qui décourage et qui glace, et ces filles de Buzulzo dégagent une charme extrême qui captive instantanément les cœurs. La séduction qu’elles exercent n’est peut-être si soudaine et si impérieuse que parce qu’une analyse superficielle s’avère impuissante à en décomposer les éléments. Il faut observer longtemps ces sirènes pour connaître que leur sortilège est d’une nature à part, qu’il n’est pas fait seulement de leur sourire et de la caresse de leurs yeux, mais de quelque chose de plus troublant encore et, si je puis dire, du pollen de fine et discrète sensualité qui flotte imperceptiblement autour d’elles. Le barde anonyme cité par Souvestre qui prononçait que « ce qu’il y avait de plus rare après les vierges dans la paroisse de Lannion, c’étaient les étoiles en plein jour et les roses en plein hiver », s’est mépris grossièrement sur le caractère de cette sensualité délicate et toute à fleur de peau. Un Hamon ne s’y pouvait tromper. On a de lui des portraits d’artisanes lannionnaises, en petit nombre, il est vrai, où son crayon virgilien semble s’être complu amoureusement. Mais le témoignage décisif et qui ne laisse subsister aucun doute sur le changement qui s’était opéré dans son esprit, c’est un tableau qu’il offrit à