Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/201

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la municipalité lannionnaise vers 1843 et que son hétérodoxie fit longtemps reléguer dans les greniers de l’Hôtel-de-Ville[1] : un moine — qui n’est pas Fra Angelico —, la palette à la main, regarde du coin de l’œil le Christ exclusif et jaloux que la règle lui commande de prier matin et soir et qui ne supporte point qu’on partage avec lui. Mais l’art est plus fort : d’un geste décidé, le moine repousse le tentateur céleste et se remet à ses pinceaux.

Ce fut l’histoire de Hamon : riche d’une bourse de 500 francs que lui avait allouée la générosité du Conseil général, il fit ses adieux aux frères de Lamennais, au calme et verdoyant moûtier de la rue des Jongleurs, et se lança délibérément dans la grande mêlée parisienne. Une secrète affinité de tempérament l’entraînait vers l’auteur de la Source et de l’Apothéose d’Homère ; s’il avait pu s’élire un maître, c’est Ingres qu’il eût choisi entre tous. Mais Ingres vieillissait, s’aigrissait. Il ne rebuta point Hamon ; seulement il lui ferma son atelier, ne jeta qu’un coup d’œil distrait sur la toile que lui soumettait le nouveau venu — un Buveur breton — et lui conseilla poliment d’aller planter son chevalet ailleurs. Hamon, désemparé, prit le chemin du Louvre. Il s’arrêta devant les Vouet et les Poussin. Mais, sans une technique déjà sûre, quel profit retirer de ces vieux maîtres ? Heureusement un camarade parla pour lui à Paul Delaroche : admis comme élève chez l’auteur

  1. Il occupe aujourd’hui la place d’honneur dans la salle des mariages.