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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/245

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de la foi, le spirituel et le temporel. Ils avaient connu de durs moment sous la Terreur et pendant l’émigration et, si quelques-uns y révélèrent une âme plus frénétique qu’il n’était nécessaire, beaucoup aussi y firent briller les pures lumières de l’apostolat. Hommes de ressources avec cela ! En 1858, lors de ce voyage triomphal à travers la Bretagne où, dans un toast mémorable, Napoléon III ne craignit pas d’employer une expression qui effrayerait aujourd’hui les plus libéraux de nos gouvernants et salua la nation bretonne » groupée autour du chef de l’État et de sa famille, on s’égaya fort, dans la suite du souverain, d’un vieux recteur nonagénaire dont les cheveux en cadenette battaient sous un tricorne de feutre peluché comme on en portait sous l’ancien régime et qui, juché sur un bidet de Brasparz, une houssine à la main, la soutane retroussée, gras et rose à plaisir, trottait comme un cavalcadour à la portière du landau impérial. L’empereur, que cette juvénilité amusait, se fit présenter le bonhomme au relais de Quimper.

— Sire, dit l’évêque qui était chargé de la présentation, vous voyez céans le plus grand celtiste de votre empire : il a porté jusqu’en Livonie le renom de la langue bretonne.

— Contez-moi cela, monseigneur, dit Napoléon III.

C’était toute une histoire et que j’abrège bien à regret : l’abbé, ancien aumônier de Puisaye, roulé à travers le monde par le flot de l’émigration et déposé, après de longues erreurs, sur l’inhospitalière plage de Riga ; personne pour l’y secourir ; son escarcelle à sec ;