Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/246

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l’hôpital pour suprême ressource… En ces lamentables conjonctures, il apprend qu’un négociant du pays cherchait pour son fils un professeur d’italien. L’abbé se présente. D’italien, il n’en sait pas un traître mot.

— Bon ! se dit-il, avec une grammaire et un dictionnaire, je ne suis point si sot que je ne puisse toujours me mettre d’une leçon ou deux en avance sur mon élève.

Et notre abbé de battre toutes les librairies de Riga à la recherche d’un rudiment italien. Peine perdue ! De rudiment italien à Riga on n’en connaissait ni peu ni prou et le dernier libraire auquel il recourut lui confia qu’il s’écoulerait bien un grand mois et demi avant qu’on en pût faire venir de Florence ou de Milan.

L’abbé se gratta la tête : comment occuper ce mois et demi ? Bopp n’avait pas encore inventé la grammaire comparée ; l’abbé, fort heureusement, possédait quelques notions de linguistique générale. Encore fut-il au bout de son rouleau plus vite qu’il ne pensait : le jeune Russe, son élève, montrait une désolante aptitude pour les langues ; l’abbé sentait sa science s’épuiser et le moment allait venir où maître et disciple en toucheraient le fond. Il ne restait plus qu’une ressource au malheureux précepteur : c’était de recourir au bas-breton, sa langue maternelle, et de l’enseigner à son élève sous le nom d’italien. Ce qu’il fit avec de grands soupirs, car sa conscience n’était point en repos, et il commençait à vérifier la sagesse de l’adage :