Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/259

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verge de fouet de néflier ou meslier », cependant qu’un pèlerin de passage ou quelque barde-mendiant, accueilli sans murmure au foyer de l’hôte, entame, pour payer son écot, un cantique ou un conte « du temps que les bêtes parlaient, comme du renard qui dérobait le poisson, de Mélusine, du loup garou, du moine bourru, des fées » qu’on rencontre parfois après vêpre et qu’on voit danser près des fontaines « au son d’une belle vèze couverte de cuir rouge ». Vous pouvez lire cette petite scène tout au long dans les Facéties du bon seigneur, et le curieux, c’est que la scène est d’aujourd’hui comme d’il y a trois cents ans. Le regretté Luzel, qui naquit dans un de ces manoirs hospitaliers de Bretagne, à Keranborgne, près de Plouaret, n’a pas trouvé d’autres traits pour peindre les veillées du temps présent :

« Voici le grand foyer ; là était le fauteuil de mon père. — Chaque nuit, pendant l’hiver, on faisait un grand feu. — Les valets se rangeaient autour pour fumer, — parler de leurs travaux et sécher leurs habits.

« Car durant tout le jour, sous la pluie ou sous la neige, — ils avaient ensemencé la terre de froment et d’avoine. — La force du feu désengourdissait alors peu à peu — les membres glacés et aussi les langues.

« Et l’on s’entretenait des travaux de la terre, — des chevaux, des vaches, des étoiles et de la lune ! — La grande lande était très pénible à sillonner ; — la vache mouchetée avait vêlé ; Maugis était un bon cheval.

« Les servantes étaient derrière, au bas de l’appartement, — assises à filer près de leurs rouets. —