Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/280

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plus reculées. Dès lors, aucune défense, aucun interdit, laïque ou religieux, n’eût pu arrêter le branle des imaginations et des jambes. Coûte que coûte, on se mettait en marche par familles, par tribus, hommes, femmes, enfants, l’un traînant l’autre. Un piétinement de foule, pareil à une rumeur de mer montante, emplissait les chemins creux de la Cornouaille et du Goëlo ; à peine si l’on prenait le temps de s’arrêter aux fontaines quand la soif était trop grande, et beaucoup, en marchant, mordaient à même dans la miche de pain bis qu’une ménagère prudente leur avait pendue au col. Des campagnes, l’enthousiasme gagnait les bourgades et la ville. C’était à qui, de ses deniers ou de ses soins, contribuerait à l’éclat de la représentation. Une complicité générale paralysait les mauvaises dispositions de l’autorité civile et du clergé. Les menuisiers, charpentiers, forgerons donnaient gratuitement une ou deux journées de travail ; les paysans fournissaient le charroi, les aubergistes des fûts vides, les bourgeois des ornements et des planches. Il n’était pas jusqu’aux familles nobles qui ne se fissent un devoir de fouiller dans leur garde-robe et d’y emprunter « de vieilles rapières rouillées, des perruques, des habits de marquis et de marquises, des tentures à personnages, voire des costumes de gardes nationaux pour orner la scène et habiller les acteurs ». Une quête, au commencement et à l’issue de la représentation, servait à défrayer ces braves gens et à solder le banquet gargantuélique qui les réunissait sous quelque tente à la fin de la dernière journée. « Je remercie les nobles et les bourgeois de