Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/282

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séance. Mais l’écart était trop considérable déjà entre la mentalité des campagnes bretonnes, restée stationnaire depuis le XVe siècle, et les façons policées, la délicatesse relative de la bourgeoisie et du clergé des villes. Ce n’était guère par son raffinement que brillait le théâtre du moyen âge. Le réalisme y était des plus vifs ; toutes choses, pour y être saisies du public, devaient être traduites aux yeux devant qu’à l’esprit. Dans un Mystère de la Nativité, du XIIIe siècle, la Vierge accouchait sur la scène ; la didascalie dit expressément : Maria vadat in lectum suum et pariat filium. Semblable spectacle se voyait en Bretagne dans le Mystère des Trois Rois. C’est un viol qui sert de pivot dramatique au Mystère de sainte Nonne, et ce viol s’accomplissait aussi sur la scène.[1]. La crudité de ces situations ne choquait aucunement le public, pas plus qu’elle n’avait choqué autrefois le clergé. Mais celui-ci avait marché avec le siècle et ne comprenait plus ces enfances. En certaines paroisses, sans prétendre couper court aux représentations populaires, il s’efforçait tout au moins d’en atténuer le péril. Un anonyme, ecclésiastique évidemment, dans la préface manuscrite du Buce en tri Roue, reconnaissait qu’il y a « un petit bien quelconque à tirer du théâtre » et en particulier de « la farce sainte des Trois Rois », mais sous condition que la scène de l’accouchement fût supprimée et que, dans les représentations futures, on remplaçât par une statue « l’ac-

  1. Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, on jouait encore ce mystère à Dirinon (terre de Nonne), la veille du pardon.