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LE THÉÂTRE DU PEUPLE EN BRETAGNE

phère d’héroïsme enveloppait l’assistance ; le geste large des récitants semblait écarter les murs et faire surgir dans une brume d’enchantement les mystérieux paysages sous-marins, l’ondoyant décor des Atlantides bretonnes…

Bercée à ce foyer, la tradition dramatique ne se perdit point en Bretagne ; comme Arthur, elle n’était qu’endormie et n’attendait qu’une occasion pour rebondir à la lumière. 89 la lui donna, et ce n’est peut-être pas un des effets les moins singuliers de ce cataclysme social qu’il ait provoqué, en Bretagne, le réveil d’un théâtre foncièrement, exclusivement religieux. Plus tard encore, dans les moments de crise politique et dès que la surveillance de l’autorité semblait se relâcher, la tragédie bretonne refaisait son apparition, timidement au début, dans des salles fermées, puis ouvertement, en plein air. Les premières années du règne de Louis-Philippe et de la seconde République furent ainsi l’occasion d’un renouveau dramatique dans tout le diocèse de Tréguier, à Paimpol, à Lannion et à Pluzunet particulièrement. Jean le Ménager et Claude le Bihan, l’un fournier, l’autre cultivateur, paraissent avoir dirigé sous la Révolution et l’Empire la troupe de Pluzunet. À Lannion, les acteurs se réunissaient d’abord dans l’arrière-salle d’une maison sise rue de l’Allée-Verte et occupée maintenant par la boulangerie Guégou. Mais ils ne tardèrent pas à quitter ce réduit pour se porter sur le forlac’h, vaste champ de foire qui s’étend aux deux ailes du cimetière communal. La troupe locale qui donnait ces représentations avait pour directeur un tailleur de la