Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sans doute, les représentations dramatiques n’y eurent jamais l’éclat et l’ampleur qu’on leur vît prendre dans nos autres provinces. Le théâtre breton, fort rudimentaire et tout en planches de sapin, çà et là voilées de feuillages et de tentures, s’adossait ordinairement à quelque mur de cimetière ou au pignon d’un édifice municipal[1]. La mise en scène n’y était point très compliquée. Il se peut qu’à l’origine et pour répondre aux nécessités d’une action qui se transportait, par heure, en vingt endroits différents, le théâtre ait été divisé, comme dans les mystères français, en un

    C’est ce qu’on appelait la marche. Un vieux manuscrit, cité par Souvestre, dit que pendant ce temps « rebecs et binious doivent sonner. » Il faut remonter à la scène antique, aux évolutions du chœur autour de l’autel de Dionysos, pour trouver quelque chose d’analogue. — Autre coutume signalée par Dufilhol et qui a disparu : « Dans la représentation des tragédies [bretonnes], deux hérauts, placés aux deux coins du théâtre, crient par intervalles : Chilaouet ! « Écoutez ! » Et ils accompagnent cet avertissement d’un coup de fusil ou de pistolet. » — Voir enfin, sur l’intermède du Prologue et de la « belle demoiselle » dans les représentations qui duraient plusieurs journées, Luzel, Introduction au Mystère de Sainte-Tryphine.

  1. Parfois même, tout simplement, on l’érigeait dans une prairie ou une lande. Émile Souvestre assista, en 1825, près de Lannion, à une représentation de cette sorte. Le théâtre avait été dressé au milieu d’une vaste garenne, autour de laquelle des planches mal clouées sur des pieux formaient une triple rangée de bancs. Les spectateurs qui n’avaient pu trouver place sur ces gradins se tenaient debout par derrière : les arbres du voisinage, les talus, les croix du chemin et les toits de quelques maisons assez éloignées étaient couverts d’enfants et d’écoliers : le nombre total des spectateurs pouvait s’élever à trois mille.