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AU CŒUR DE LA RACE

d’une vigile chômée. De grands bûchers d’ajoncs ou de branchages ont été dressés sur les éminences voisines du sanctuaire. Ces bûchers, nommés tantajo — s. tantad le feu-père ?[1] —, mais ou fouées sont généralement bourrés de pétards, piqués de drapeaux en papier et surmontés d’une couronne ou d’une grossière statue en bois du saint local, dont la foule se disputera ensuite les débris carbonisés. C’est généralement le clergé paroissial qui met le feu à ces bûchers. En quelques pardons seulement (Saint-Nicodème de Plauméliu, N.-D. de Crénénan), un petit rail aérien rattache la plate-forme du clocher au tantad ; un ange automate glisse le long du rail, allume le bûcher et remonte comme il est venu. À Saint-Jean-du-Doigt, l’ange est remplacé depuis quelques années par un serpentin. Presque partout, cependant, les tisons du tantad sont emportés par les pèlerins qui les tiennent pour des préservatifs contre la foudre. Dans le Morbihan, à la place de la couronne ou de la statue en bois du saint local, on hissait, jusqu’en ces dernières années, au sommet du bûcher, le mannequin du bonhomme Orange[2]. Jolie cible pour les tireurs de la localité. Les dangers de cet exercice l’ont fait supprimer à N.-D. du Pénity, à N.-D. de Crénénan, et à Saint-Nicolas-de-Priziac, où il était demeuré en

  1. Le « feu père », d’après Félix Le Dantec, serait un calembour de La Tour d’Auvergne, Ad ici est un suffixe augmentatif. Tantad, tout simplement, voudrait dire grand feu.
  2. Représentation grotesque de Guillaume d’Orange, suivant les uns, selon les autres du prince de la même famille qui ravagea la Bretagne et assiégea, en 1484, le château de la Chèze.