Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/44

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pations, d’ailleurs, qui soient permises. Il n’est pas bon de travailler pour soi la veille des grandes fêtes, comme en témoigne le mystérieux distique ouï par une meschine oublieuse qui filait sa quenouille la veille de la saint André :

Hag o néza e ma oc’h-ii c’hoaz ?
Goël Saint André a zo warc’hoaz…

« Quoi ! Vous êtes encore à filer — et c’est demain la Saint-André ! » La pauvre servante en trépassa de saisissement.

Beaucoup de pèlerins sont étrangers à la paroisse : ils viennent parfois des confins du département et se sont mis en route la veille, à la chute du jour, hommes, femmes, enfants, par longues files qui emplissent d’une rumeur d’orage les chemins creux de Bretagne. L’église reste ouverte toute la nuit, et, avec son porche béant, ses verrières, ses rosaces multicolores, éclairés intérieurement par la flambée des cierges, c’est comme une floraison paradisiaque qui se lève magiquement des ténèbres. Dès qu’ils l’aperçoivent, les pèlerins ploient le genou ; ils adressent un premier salut au saint patron qu’ils viennent visiter, puis ils entonnent un cantique et se remettent en marche. Désormais les chants ne cesseront plus jusqu’au sanctuaire. Mais, avant d’y pénétrer, la plupart des pèlerins font trois fois le tour du cimetière en récitant leur chapelet. Quelques-uns sont pieds nus, en corps de chemise ; certains, par esprit de pénitence, se traînent sur les genoux[1]. Ils entrent

  1. On en a vu venir ainsi de chez eux, de plusieurs lieues quelquefois, jusqu’à l’église. « Il y a une quinzaine d’années,