Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/47

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et d’or et l’on cherche involontairement le prince de féerie, le Lohengrin ou le Parsifal qui se cache sous leurs plis somptueux.

De si loin qu’elles viennent d’ailleurs, toutes ces délégations doivent être rendues à l’église pour la grand-messe. Elles n’y manquent point. Les approches du sanctuaire sont signalées, à deux et trois kilomètres de distance, par une double haie d’éclopés. Il semble que toutes les difformités de la création se soient donné rendez-vous céans. Plus le pardon est d’importance, plus y grouille la truanderie indigène : aveugles, culs-de-jattes, lépreux, ataxiques, innocents en robe longue, une bave aux dents, c’est une seconde édition de la Cour des Miracles. Et, pour stimuler la charité, les difformités s’exagèrent ; les goitres ballonnent outrageusement ; les moignons dansent comme des pistons de machine ; d’invraisemblables plaies suppurent dont, la veille, ou raviva la savante polychromie par quelque cataplasme d’éclairé ou d’euphorbe. Une même plainte sourde, un même bêlement lamentable s’exhale de ce purgatoire ambulant, suivant la forte expression de Tristan Corbière. La haie se resserre autour de l’église : le porche, les contreforts extérieurs, les murs du cimetière sont incrustés de « stropiats ». Et voici, parmi eux, les confrères de Yann-ar-Minous, nos chers amis les bardes-gyrovagues. Quels poumons, Seigneur, et quelles voix d’ouragan ! Mais quel succès aussi ! On fait cercle autour de ces nomades : la poésie, en Bretagne, est le grand véhicule de la pensée. On n’y lit point les gazettes et c’est par quelque complainte, rimée,