Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/55

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préoccupation d’hygiène se mêla peut-être aux ablutions qu’on y faisait : encore n’en jurerais-je pas. Présentement les ablutions des pèlerins se réduisent à quelques gouttes d’eau dont ils s’humectent la figure, les mains, les bras et le cou. Il y a bien, en cinq ou six sanctuaires, une piscine spéciale pour les hommes, une piscine pour les femmes. Les ablutions sont alors moins sommaires : les femmes, pour s’y mieux livrer, ne gardent qu’un jupon et un mouchoir dont elles se couvrent pudiquement la poitrine. À Saint-Laurent-du-Pouldour, un système d’hydrothérapie perfectionnée donne licence aux deux sexes d’ajouter la douche à l’immersion : les hommes, complètement nus, prennent leur bain du crépuscule à minuit ; les femmes de l’aube à midi. Dans toutes les fontaines cependant, il est d’usage d’avaler une bolée d’eau : les mendiantes la puisent elles-mêmes et la débitent contre un sou le bol. Infime loyer, mais où l’on reconnaît une survivance des importants privilèges qui s’attachaient, chez les premiers Celtes, à la garde des fontaines divinatoires. Toutes déchues qu’elles soient de leur ancienne splendeur, ces mendiantes sont les héritières immédiates des druidesses et des cènes qui veillaient sur les sources saintes de Bretagne, présidaient à leurs consultations et déchiffraient l’avenir dans le frémissement de leurs eaux. Le peuple ne s’y trompe pas : il aperçoit dans ces vieilles ondines les représentantes d’une mystérieuse tradition ; sous leurs loques de misère, elles sont ses Viviane et ses Mélusine. Dans la hiérarchie sacerdotale, à côté du clergé officiel,