Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/75

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semblance fraternelle. Mais il n’accorde point assez à l’œuvre de christianisation des missionnaires cornouaillais, cambriens et irois et, pour un Corentin qui se serait assis, dans la forêt de Ploumodiern, sous le grand druide Ah-hir-Bad, il, ne fait point attention que l’enseignement des Bretons insulaires, autrement considérable que celui des derouizion indigènes et renouvelé par des apports incessants, était réputé dans toute la chrétienté occidentale pour sa savante orthodoxie.

Que cette orthodoxie n’ait point pâli avec le temps, qu’elle n’ait subi aucune retouche et qu’on ne puisse distinguer dans la légende qui s’est cristallisée autour de ces saints personnages la forte empreinte de l’imagination celtique, c’est ce que nous n’allons point à prétendre. La Bretagne est le berceau enchanté de toutes les vieilles superstitions. Il en est de délicates et de touchantes ; il en est de terribles. Les vêpres d’Aucaleuc et leur danse naturiste des penn-baz, l’ofern-drantel ou office de trentaine à saint Hervé pour les âmes tombées au pouvoir du démon, la ronde des feux de Saint-Lyphard avec son simulacre de sacrifice humain sur les rochers du Crugo[1], la votion directe ou par procuration à saint Yves de Vérité des ennemis dont on désire la mort, les processions d’épileptiques autour de la chapelle de saint Briac et les « batailles sacrées en l’honneur de saint Gelvest ou Servais, ce sont là, pour n’en citer que quelques-unes, les ma-

  1. Cf. M.-Y. Guiliéneuf, Bulletin de la Société des Études historiques et géographiques de Bretagne (1899).