Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/76

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nifestations regrettables d’une foi toute barbare encore et mal dégagée de sa rude enveloppe primitive. Mais il n’est point que l’influence d’un clergé à la fois conciliant et avisé ne finisse par triompher de ces restes de barbarie. C’est où son action peut s’exercer avec le plus de bonheur et sans se heurter, comme il est arrivé quelquefois, à une résistance de l’esprit national[1].

Tels qu’ils sont, en effet, le Breton tient à ses saints et n’entend point qu’on les supprime ou qu’on leur substitue des saints étrangers. On raconte que la chapelle de Saint-Gonver, dans la paroisse du même nom, ayant été détruite il y a une soixantaine d’années et remplacée par une église dédiée à saint Pierre, les fidèles refusèrent de changer de patron et continueront de célébrer à domicile la fête de leur vieux saint autochtone, laquelle échéait le dernier dimanche de septembre. Le Braz rapporte un fait analogue sur saint Igninou et les paroissiens de Spézet. On en pourrait vraisemblablement citer beaucoup d’autres. Là où le culte du saint local a pu être remplacé sans protesta-

  1. Cf. Alexandre Bouet, Breiz-Izel : « Un curé, il y a quelques années, déclara positivement que la procession (de Saint-Servais) n’aurait pas lieu. Il avait trop présumé de son autorité, car il est à remarquer que les Bretons n’obéissent aveuglément à leurs prêtres que lorsque ceux-ci se montrent esclaves eux-mêmes de leurs antiques croyances. La bannière fut prise d’assaut dans la sacristie et le curé dans son presbytère ; et celui-ci, garotté, porté sur une civière, consacra malgré lui par sa présence la procession qu’il voulait empêcher et la bataille qui, de temps immémorial, en est le complément obligé. »