Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/163

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On n’aime bien, comme on ne comprend bien certains hommes que dans leur milieu de formation, dans l’atmosphère qui les imprégna enfants.

La Tour d’Auvergne est inséparable de la Cornouaille où il est né. Elle s’exprime en lui, comme il s’explique par elle. Du haut de ce puissant socle de schiste qu’est le plateau carhaisien, on domine de vastes étendues marécageuses, un long moutonnement de cimes sombres, hêtraies et sapinières, que cerne sur Thorizon la ligne bleue des Mènez. Rude paysage, balayé des grands souffles iodés accourus de l’Atlantique et de la Manche et qui s’y livrent bataille ! La terre, par places, apparaît comme écorchée, son ossature à vif. Carhaix, la ville aux maisons noires, est à cheval sur l’échine de la Bretagne, keign-Breiz, une échine maigre, dépouillée, sans grâce. Que nous voilà loin du plantureux Trégorrois, de la légère Cornouaille du sud ! La Bretagne, ici, a je ne sais quoi de puritain, en tout cas de plus grave et de plus sévèrement mélancolique qu’ailleurs, qui semble s’être communiqué à La Tour d’Auvergne. L’homme qui avait pris pour devise : « Du pain, du lait et la liberté » pouvait avoir quelques gouttes de sang étranger dans les veines : il reste bien et avant tout le fils de ces sommets âpres et pauvres.

Et c’est pourquoi l’on aimerait tant l’y retrouver autrement que dans le bronze de Marochetti et dans les quelques reliques éparses à l’hôtel de ville. Nul