Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/194

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fagot, chaque homme y est allé de sa contribution personnelle de vieux chiffons. L’équipage, vers huit heures, a formé le cercle au pied du mât. Il ne fait pas nuit « à » Islande, du premier mai au premier octobre. Est-ce le jour, pourtant, ce crépuscule perpétuel, ces limbes blafards, où grelotte un soleil chlorotique ?… Le novice grimpe dans les enfléchures, boute le feu au baril. Et voici que, dans un tourbillon d’opaque fumée noire, la flamme éclate, bondit, se propage, dirait-on, de bord en bord.

Phénomène explicable, toutes les goélettes, ce soir là, ayant leur fouée traditionnelle, leur tantad aérien suspendu à l’extrémité de la grande vergue et qui déchaîne, dans l’instant qu’il s’allume, les acclamations frénétiques de l’équipage. Le tumulte s’apaise pour la récitation de la prière. Puis, le capitaine descend dans le poste payer « la double » à ses hommes. Au réveil encore, s’il est content d’eux, il leur offrira le café et les « accessoires »…

Mais combien, parmi ceux qui s’en vont demain, verront la Saint-Jean d’été ? God made the world, but the devil made Iceland[1], dit un proverbe anglais. Au Minotaure polaire, il faut son tribut annuel de jeunes hommes, et il n’y a point d’exemple qu’une campagne d’Islande ait été heureuse jusqu’au bout… Trois goé-

  1. « Dieu a créé le monde, mais c’est le diable qui a créé l’Islande. »