Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/217

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pour louer le confortable de ces wagons anglais, hauts de plafond, ventilés à la couronne, mollement suspendus, avec de larges coussins et des tapis jusqu’en troisième. Et l’on conçoit que la bourgeoisie anglaise, éminemment pratique, ait renoncé à voyager dans les autres classes. Le train file cependant à travers des faubourgs ouvriers, bordés de maisons du même modèle, de petites maisons en briques rouges qui ont l’air de vous faire le salut militaire au passage et qui s’alignent symétriquement le long des voies, comme des soldats à la parade. Et toutes ont le bow window, la rotonde vitrée qui étend la pièce principale et ouvre de plain-pied sur le jardinet, grand comme la main, mais peigné, soigné, ratissé amoureusement.

Northam, Saint-Denys, Swaything ne sont que des haltes dans ces faubourgs. Sur l’autre côté de la voie, nous longeons l’Itchin, délicieuse à marée haute, dans la retombée des bouleaux et des saules. La vraie campagne ne commence qu’après Swaything, la moins anémique des campagnes, une terre noire avec des verdures épaisses et d’une tonalité presque dure.

Cela rappelle encore la Normandie : les champs — immenses — sont d’un seul tenant ; le blé y pousse dru ; les arbres forment le carré autour des fermes. Quelques-unes de ces fermes (et c’est pour ajouter encore à la ressemblance) sont coiffées de chaume et losangées de bois clair sur leur façade en torchis : vraiment oui, c’est tout à fait la métairie cauchoise, la métairie classique d’il y a cinquante ans, et il n’y manque, sur les bancs rustiques disposés près de la porte, que les vieilles fileuses en bonnets à fleurs. La campagne est