Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Que veut dire ce prohella d’une consonnance farouche ? Est-ce une déformation de procella, l’orage maritime des Latins ? Le mot vient-il du breton aella, venter ? Nul ne le sait. Mais, quand un îlien est mort en mer, au cadavre absent ses proches substituent une de ces croix de prohella et lui rendent les mêmes honneurs funèbres qu’aux corps des personnes décédées à terre. Une coutume analogue existe à Sein ; mais là le disparu est représenté par quelque pièce de son habillement, son béret, sa vareuse, — sa boîte à chique. La veille du Jour des Morts, à Ouessant, toutes les veuves, tous les orphelins se rendent processionnellement sur la falaise avec des couronnes de narcisses et d’œillets marins. Ils s’agenouillent, récitent à voix haute un de profundis et lancent les couronnes dans la mer. Sur le cimetière des eaux, comme sur ceux de la Terre, éclot ainsi, une fois l’an, la floraison sacrée du souvenir…

On a souvent dit que les insulaires forment, par le seul fait de leur situation géographique et indépendamment de la race, une catégorie dans l’espèce humaine. Cela est très vrai, ajoutait Renan. La mer est la plus naturelle de toutes les frontières : elle oppose nettement l’insulaire au reste du monde ; elle lui crée une histoire, des mœurs à part. Je n’oublie pas les transformations de ces récentes années, je sais qu’il est trop de ces îles bretonnes que le rush du villégiaturisme n’a pas épargnées. L’illustre auteur des Souvenir d’Enfance aurait grand’peine à reconnaître son « cher Bréhat » derrière le triple rideau de caravansérails et de villas bougivaliennes qui masquent, au