Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/251

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Conformons-nous à l’usage et, par manière de passe-temps, regardons autour de nous. Il fait une molle journée d’été ; le ciel cependant est léger et craquant comme une soie ; mais cette Manche de Bristol, sous les plus fraîches clartés, garde un ton sale et ocreux, qu’elle ne perd que très loin au large. Weston, en face de nous, fait la boule au soleil, comme une chatte qui se chauffe. Vers l’est, deux grands îlots, les Flat-Homs[1] ; l’un presque noir sous la verdure qui l’endeuille ; l’autre d’où pointe, comme une dague, la tour effilée d’un light-house… Des vapeurs passent, se croisent et hululent ; des voiliers cherchent le vent. On nous signale enfin un petit flocon d’ouate grise qui volette sur la mer et se dirige vers nous de Weston : c’est le vapeur de service qui passe toutes les deux heures. Il approche et, dans le tumulte blanchâtre de ses grandes roues à aubes, stoppe à l’extrémité du Pier. La passerelle franchie, nous nous calons à l’avant dans des pliants à dossier, parfaitement confortables. Nous avons beaucoup de voisins qui fument, lisent, croquent des pâtisseries ou somnolent, l’air comme chez eux. Effectivement plusieurs de ces passagers n’ont pas quitté le bateau depuis le matin : il est de bon ton dans la gentry cardiffoise de prendre des abonnements sur le vapeur de Weston. On y coule la journée sur le pont, quand il

  1. Anciennement Echni. C’est là que se retira saint Cadoc, quand l’invasion saxonne l’eût forcé de quitter son monastère de Lancarvan et en attendant de passer dans la Petite-Bretagne.