Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/36

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Bretagne pas plus qu’en Écosse il n’y eut jamais de démarcation bien tranchée — au moins dans les campagnes — entre l’aristocratie terrienne et le peuple qui vivait à son ombre. L’organisation communautaire y survécut à la disparition du clan ; une sorte de parenté spirituelle unissait le vassal et le chef, si bien qu’on peut dire de ce régime patriarcal ce qu’on a dit du régime écossais, qu’il n’avait rien de dégradant et qu’il ne touchait point à la dignité de la personne humaine, vu que tout y était réglé par les lois les plus strictes de la réciprocité.

Aujourd’hui encore et grâce à la persistance de l’esprit communautaire, il n’y a pas de pauvres, dans le sens ordinaire du mot, parmi les populations de la péninsule armoricaine : l’aumône n’y est pas, comme ailleurs, un acte de générosité facultatif, mais une manière de taxe ou d’impôt que les indigents prélèvent sur les riches. Cette conception toute primitive de l’assistance, qui implique une égalité parfaite entre celui qui donne et celui qui reçoit, n’est nulle part plus répandue que dans la Haute-Cornouaille où ce n’est point assez que les riches acquittent entre les mains des indigents la dîme obligatoire du premier lundi de chaque mois (V. dans le Barzaz-Taldir la pièce Evid peorien Karnoet), ils leur bâtissent encore des huttes de branchages et de torchis dans les issues de la commune, les habillent et les fournissent de draps d’étoupe tissés exprès pour eux. Mais il est bon d’observer que, longtemps défendue contre l’infiltration étrangère par l’âpreté de son sol, ses gorges angustiées, sa triple barricade de ménez granitiques,