Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/42

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rieux des élus ; il a conscience au même degré qu’eux de la mission sociale qu’il est appelé à remplir par le monde ; chanter ne lui est pas une simple récréation de l’esprit, mais l’exercice d’un apostolat.

Cette conception à la foi si naïve et si haute du rôle de la poésie dans la société n’était possible qu’en Bretagne et à une certaine heure de l’histoire de ce pays : Jaffrennou vient à cette heure-là pour prêter son verbe de feu aux confuses aspirations de l’âme populaire, les ordonner et les manifester « à la face du jour », comme il est dit dans les Triades. Homme de tradition, il regarde vers l’avenir. C’est peu qu’il revendique pour son pays la plupart des libertés inscrites au pacte d’union de 1532 et dont la centralisation jacobine s’ingénie à lui arracher les derniers lambeaux : il veut la langue bretonne parlée par tous les Bretons, épurée, restaurée, rétablie dans ses droits de langue majeure en possession d’une littérature, d’une morale et d’une sociologie ; il veut les mœurs uniquement réglées par la tradition, la famille fortement constituée et maîtresse de l’orientation intellectuelle de ses enfants. Nourri dans les villes, affublé de la triste livrée moderne, il n’hésite pas à reprendre l’éclatant et pittoresque costume cornouaillais, non par goût du clinquant, — il n’y a pas d’homme plus simple, — non pour se distinguer des « francisants » de Morlaix ou de Saint-Brieuc, mais pour prêcher d’exemple, pour affirmer d’une manière plus concrète l’intransigeant particularisme de sa race. Il croit aux destinées de cette race comme il croit en Dieu ; feuilletez ses livres : vous n’y trouverez pas