Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

porche de la Renaissance qui en relève la sévérité. Le clocher, un peu massif à sa base, monte d’un jet puissant. Il est bien conforme à l’esthétique du genre et ne déparerait point, malgré sa modernité relative, la collection de ces beaux clochers à jour du Léon et du Trégor qui m’apparaissent comme le dernier et le plus magnifique effort de l’âme indigène pour se dégager des étreintes de la matière. Exaltation vers le divin ! Si les calvaires sont des meâ culpâ plastiques, on pourrait dire des clochers bretons qu’ils sont des hosannahs de granit. Leurs flèches percent vraiment le ciel. Et, sans doute, Pluzunet fut de tout temps une contrée privilégiée. Son isolement sur un des plus hauts socles de la région trégorroise, les tranchées parallèles que creusent entre son territoire et les communes voisines le Léguer et le Guindy, lui furent, contre les entraînements du siècle, autant de défenses naturelles. Quand hommes et choses changeaient autour de lui, que les anciennes compagnies d’acteurs de mystères se disloquaient un peu partout, ce petit bourg abrupt demeurait une manière de citadelle de la littérature dramatique bretonne : il avait connu des heures glorieuses sous l’ancien régime et la Restauration avec François Le Trivédy, Claude Le Bihan, Jean Le Ménager, l’un instituteur, l’autre laboureur et le troisième fournier, qui occupaient leurs veillées d’hiver à sauver du naufrage les épaves de notre répertoire national et, l’été venu, s’improvisaient acteurs et directeurs de troupes. C’est un manuscrit de Jean Le Ménager qui a servi à Luzel pour l’établissement du texte de Sainte-Tréphine et, dans cette pièce, le touchant et