Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/12

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la forme la plus ancienne de son regret, c’est peut-être de n’être plus une île. Un tel pays, qui possède une ossature géologique indépendante, un système propre de monts et un réseau distinct de fleuves, à qui sa langue, son histoire, ses mœurs confèrent un caractère si tranché, devrait posséder aussi une très forte unité morale. Je ne dis point qu’on ne parvienne à en découvrir quelques traits : idéalisme, goût de la chimère, impuissance traditionnelle à passer de l’idée à l’acte, etc. J’en demande bien pardon cependant à mon ami Barracand, qui écrit dans son beau livre Le Vieux Dauphiné : « Qu’il s’agisse d’un Breton, d’un Provençal ou d’un Gascon, nul n’hésitera à placer sous ces noms l’épithète qui convient. Un Dauphinois est plus difficile à saisir et à faire comprendre. On n’y arrive que peu à peu. » Je vous abandonne à la rigueur les Gascons et les Provençaux, Barracand. Cuique suum. Quant aux Bretons, hélas ! une expérience déjà longue m’apprit qu’ils sont pour le moins aussi compliqués que vos Dauphinois. L’Éternel se plaît aux énigmes. Il y en a deux que nous ne sommes pas près d’élucider : c’est le cœur de la femme et c’est l’âme du Celte.

Comment un peu de cette délicieuse incohérence de mes compatriotes ne se serait-il pas glissé dans les études qu’on va lire et dans les précédentes ? Je n’y ai apporté d’autre souci que celui de la sincérité ; j’en ai soigneusement écarté tout dogmatisme. Chacune de ces études est comme un coup de sonde donné dans l’âme bretonne : la sonde ne ramène pas toujours des sédiments de même nature ; elle n’accuse pas les mêmes profondeurs partout. Elle est encore l’instrument le