Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/271

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ses parents, qui avaient un âge plus en rapport avec le mien. Rose Menguy, sa mère, était une Lannionnaise, d’un sang un peu léger, comme toutes ces filles du chef-lieu, qui ont du vif-argent dans les veines et que nous n’aimons pas beaucoup par ici. Je me demande comment Tréal l’avait épousée : elle ne possédait que sa cotte pour tout bien ; son père tenait auberge sur le pont de Viarmes. Tréal non plus ne sortait pas de la cuisse de Jupiter, mais il avait la bosse des affaires et son magasin était le mieux achalandé de la rade. Tu l’appelais tout à l’heure un Crésus. C’est beaucoup dire. Ce qu’il y a de sûr pourtant, c’est que la tournure du galant n’aurait pas suffi toute seule pour expliquer l’accueil empressé qu’on lui fit, car il n’était pas beau, le pauvre homme, ni jeune davantage, tandis que Rose n’avait que vingt ans et était ravissante. Mais Rose lui avait dérangé la tête ; elle lui faisait commettre mille folies qui l’eussent ruiné à la longue : peut-être qu’elle lui eût ménagé autre chose encore, si elle avait vécu.

« On jasait déjà d’elle sur la rade, ce qui n’est point signe de vaillantise. Mais voilà que l’année même de son mariage, trois ou quatre jours après que Marie-Reine vint au monde, elle fut enlevée par une mauvaise fièvre de lait, où sa connaissance partit toute et qui fut cause qu’on ne put la confesser ni lui donner le bon Dieu. Songe, mon fils, quel fut le chagrin du pauvre Tréal ! Il essaya de se consoler avec l’enfant que lui avait laissée Rose.