Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/108

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Nos voyageurs passèrent deux jours à Rennes, et ce ne fut que bombances. On servit sur les tables un poisson qui étonna bien Béatis : « Il est semblable au porc, dit-il, dont il a la grosseur, le goût et le nom. » C’était du marsouin. J’en ai goûté, moi aussi, et il est bien vrai que la chair en est fort savoureuse. Pourquoi ne mange-t-on plus de marsouin ? Cela vaudrait bien le cheval et même la bosse de chameau qu’on essaie depuis quelque temps d’acclimater sur nos tables.

Mais on n’eût point été en Bretagne si, après le dîner, les langues ne se fussent déliées pour filer quelques-uns de ces récits merveilleux qui firent autrefois la réputation des harpeurs de lais.

Le comte de Laval et le duc de Rohan rivalisèrent de verve et d’ingéniosité. L’un de ces seigneurs conta l’histoire d’une cane miraculeuse qui, « chaque année, en la fête de Saint-Nicolas, dans l’église d’un endroit de son domaine, à quatre lieues de Rennes, vient avec ses petits, vers le soir, monte sur l’autel, vole une fois tout autour et laisse un de ses canetons, sans que personne puisse savoir ce qu’il devient, ni où il va, ni qui le prend, quoique chaque année de nombreuses personnes cherchent à le découvrir. » L’autre conta l’histoire d’une fontaine enchantée, dans l’eau de laquelle, lorsque, s’étant confessé et ayant communié, on « trempe de la main une branche et la jette sur la pierre (margelle), l’air fût-il très serein, il pleut immédiatement » ; et encore l’histoire d’une forêt magique dans tous les arbres ; de laquelle, « lorsqu’on les coupe, on voit les armoiries de Rohan. »

J’en passe et de plus mirobolantes. Mais la palme de l’extravagance revint, sans conteste, au comte de Laval, qui ne craignit pas d’affirmer, avec la garan-