Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/110

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saint Nicolas ; mais il en demeure quelque chose dans le nom que porte la localité où il se produisait et qui, nommée administrativement Montfort-sur-Meu, s’appelle aussi Montfort-la-Cane[1]. Le phénomène de la fontaine qui se met à bouillir dès qu’on l’agite et dont les vapeurs troublent l’atmosphère est bien connu depuis les romans de la Table-Ronde : c’est à Baranton, dans la fameuse forêt de Brocéliande (aujourd’hui Paimpont), qu’il est loisible au premier venu de le provoquer, sans avoir besoin pour cela d’être en état de grâce. Les végétaux à l’intérieur desquels, « lorsqu’on les coupe, on voit les armoiries de Rohan » — de simples macles — sont sans doute une variété de ces fougères qui, transversalement sectionnées, font apparaître dans leur tissu la très nette image d’une aigle bicéphale. Et les oiseaux qui naissent « de la putréfaction des mâts de navires » sont tout bonnement de ces coquillages appelés bernaches ou anatifes, qui ont en effet une prédilection pour les épaves marines et dont la double valve reproduit à s’y méprendre la forme d’un bec d’oie sauvage. Et l’oie s’appelle elle-même bernache. L’origine végétale de ces volatiles était une croyance répandue dans l’antiquité chez les savants aussi bien que parmi le populaire[2]. Nos savants d’aujourd’hui en ont fait bonne justice, mais le peuple est resté fidèle à la légende : pour tous les pêcheurs du littoral de la Manche, les bernaches-oiseaux sont le produit des bernaches-coquil-

  1. Voir les pièces de diverses sortes publiées par Kerdanet à la suite de son édition de La Vie des Saints, d’Albert LE GRAND.
  2. Pline en parle, et témoignage en demeure, au Moyen-âge, dans les sculptures, longtemps mystérieuses, du portail de l’église romane de Moissac.